
PRINCES NUBIENS
SUR LE TRÔNE D'EGYPTE
LA NUBIE DES PHARAONS NOIRS
Ci-contre, à droite, buste de TAHARQA, avant-dernier pharaon Noir d'Egypte, XXVe dynastie, (Vers 713 à 650 avant notre ère). Les princes Nubiens qui régnèrent passagèrement sur la Grande Egypte restaient méconnus jusqu'à l'extraordinaire découverte de Charles BONNET, à Kerma. le 21 janvier 2005.(© Courtesy).
Les livres de référence demeurent indispensables aux chercheurs ; les comptes rendus de fouilles rédigés par des spécialistes, les ouvrages de synthèses, sont précieux également, mais il ne faut pas bouder l'apport (rarissime) qu'offre parfois le journaliste et son support télévisuel. Une amie archéologue m'ayant un jour alerté sur le reportage réalisé par Nicolas Hulot, pour "Ushuaïa", sur la Nubie soudannaise, j'avais pu voir, comme des millions de spectateurs (je l'espère), la diffusion d'exceptionnelles images.
Les vautours du Djebel-Barkal
Ce furent d’abord les images de l’escalade en haut de l’aiguille du Djebel-Barkal, avec le philologue Claude Rilly. L’équipe d’Ushuaïa et ses énormes moyens matériels, qu’aucun archéologue ne peut longtemps mobiliser, permirent l’ascension des 90 mètres de roches vertigineuses s’arrachant du désert nubien.
Cette aiguille de pierre du Djebel-Barkal fut honorée telle l’effigie d’Osiris, ou hypostase du Cobra sacré portant le disque solaire.
Les plus étonnés par la performance furent les nombreux percnoptères qui de mémoire de vautours n’avaient jamais vu un humain à cette hauteur depuis plus de deux millénaires et demi.
Au pied du Barkal, ce plateau rocheux qui règne dans la solitude absolue du désert, quelques béliers d’Amon montent toujours la garde devant le temple de Mout, la déesse-mère.
Les Princes de Kerma
Quel djinn, quel dieu attentif aux actions humaines, a-t-il bien pu jeter un regard bienveillant aux entreprises télévisuelles des professionnels du pittoresque et leur permettre d'enregistrer ce jour-là de magnifiques images ?
Le hasard des échéances, et l’obstination des archéologues, couronnèrent ce jour-là le travail de Charles BONNET et de son équipe internationnale ; laquelle fouille depuis plus de trente ans le site de Kerma en plein désert nubien, à hauteur de la 3e Cataracte. La machine à arrêter le temps était là, scrutant de son optique la fouille des savants.
Le royaume de Kerma (vers 2200/1550 avant notre ère), où s’était constituée la première grande nation de l’Afrique Noire orientale, n’offre plus rien aux regards superficiels , que quelques amas de briques cuites et recuites au soleil, et des tumulus arasés.
Charles Bonnet vidait de son sable une fosse sacrée (pas un dépotoir) dans ce qui fut un temple à Doukki-Gel. Les caméras vont alors assister en direct à l’une des plus extraordinaires découvertes de ces derniers siècles en Afrique.
Soudain, les archéologues dégagent de leur linceul de sable les reliefs d’une statue de granit noir ; puis une deuxième tête apparaît sous les brosses.
Les ouvriers nubiens qui aident Charles Bonnet depuis des années, prévenus par les battements de leur cœur, comprennent que les esprits des ancêtres, de leurs propres ancêtres, sont au rendez-vous de l’histoire. Ils en seront les plus actifs témoins.
Tous ces Nubiens d'aujourd'hui savent qu’aux siècles passés plusieurs de leurs princes furent assez puissants pour renverser les occupants de leurs terres et régner un temps sur le trône de l’Egypte pharaonique qui les jugulait.
De cette dynastie nubienne, koushite (la XXVe dynastie), rien n’avait survécu. Les vainqueurs de Taharqa, le plus célèbre des pharaons Noirs, et de ses successeurs effacèrent ses images et grattèrent les noms. (*, notes en fin d'article).
Voici que ce jour de 2005 émerge d’une fosse, où le sable les avait préservé des pillages, les effigies intactes de ces mythiques princes nubiens, après deux millénaires et demi d’obscurité.
Dans les solitudes nubiennes, sous un soleil cosmique, là où les routes n’existent pas encore, circulent mieux qu’ailleurs les murmures du bouche à oreille. En quelques heures, surgis de nulle part, sortis des huttes des bords du Nil, des centaines de femmes, des enfants, des vieillards, se mirent en route et convergèrent vers le lieu de la trouvaille. Tout ce qui subsiste aujourd'hui du peuple nubien, vêtu de ses habits de fête, se groupa autour des archéologues, devenus, malgré eux, les grands prêtres d’un rite oublié. Les Fils de Koush s'assemblaient pour suivre l’exhumation des ancêtres des clans.
Lorsque les ouvriers en cortège transportèrent, sur des brancards, chaque statue au beau visage noir de ces pharaons monolithiques, l’ovation qui s’éleva dans le silence des sables, rendit le plus bel hommage qu’un souverain ne puisse espérer recevoir un jour de son peuple.

Une nation écartelée
Bien nommer le pays dont nous voulons parler est difficile. Nous disons Nubie. Sur la carte, le doigt en hésitant un peu désigne la vaste région désertique d’Afrique orientale qui s’étend d’Assouan en Haute-Egypte, jusqu’à Khartoum, capitale de la République du Soudan.
Une contrée déshéritée partagée entre deux États dont l’un, l’Egypte est sempiternellement célébré, connu, parcouru et médiatisé, et l’autre, le Soudan quasiment ignoré hors le fracas des armes. À tel point que la Nubie historique pourrait apparaître comme une excroissance misérable du pays des pharaons, une ancienne province à présent anéantie, un désert.
Ci-dessus, à gauche, fresque égyptienne, les Nubiens. (© courtesy).
Ci-dessus, à droite, au bord du Lac Nasser, les deux buttes artificielles édifiées pour abriter les temples de Ramsès II et de son épouse, après la mise en eaux du barrage. (Photo Lamblard)
Soudan et pétrodollars
Avant d’aller plus loin dans cette évocation de la Nubie, laquelle n’existe, au fond, qu’en tant que pays des Nubiens historiques, jetons un regard sur le Soudan actuel qui accueille les visiteurs :
Le Soudan représente à lui seul un continent au sein du continent africain, un immense territoire contrôlant les voies unissant l’Afrique Noire à l’Egypte. Il régit depuis des millénaires l’articulation des communications et des échanges dont le Nil et ses affluents forment la principale artère entre mer et Sahara.
Peuplé de 32 millions d’âmes, réparties en une extrême diversité ethnique, le Soudan est un exemple parmi d’autres de la carte dessinée après les deux guerres mondiales et les colonisations. Il est indépendant depuis janvier 1956, un peu plus de cinquante ans.
Le Sud est en rébellion, et l’ « Armée de libération du Soudan » est en perpétuelle négociation avec Khartoum.
Les crises du Soudan témoigneraient-elles d’interventions visant à déstabiliser et affaiblir cet État producteur de pétrole ? Il y eut des précédents. Diviser un pays pétrolier en s’immisçant dans les querelles ethniques ou religieuses est une stratégie connue.
La région montagneuse du Darfour, au nord-ouest, anciennement placée sous domination égyptienne, a été victime d’une catastrophe humanitaire dont le monde entier est conscient. Le Darfour subit une situation de famine et de guerre civile qui a déjà provoqué la mort de milliers de Soudanais. Certains observateurs avancent un chiffre de 200 000 victimes des milices et de la faim, auxquelles il faut ajouter les populations déplacées ayant cherché refuge au Tchad.
Toutes ces populations sont noires et arabisées, et islamisées. La distinction mortifère se trouverait dans les confrontations traditionnelles opposant les tribus pastorales nomades aux tribus d’agriculteurs sédentarisés. Conflits de langue, de mode de vie, d’ethnie, de culture, sur fonds d’intérêts pétroliers, avec en arrière plan la Chine qui cherche à se placer en Afrique.
La catastrophe nubienne
Comparée à ces deux foyers de désolation, la région nubienne, en partie désertique, serait aujourd’hui un havre de tranquillité. Elle a connu, il y a peu, un drame de grande envergure qui, sans détruire l’intégrité physique des habitants, porta un coup mortel à leur civilisation millénaire.
Ci-dessus, les enfants Nubiens accueillent les étrangers avec amusement. (Photo Lamblard)
Deux noms pour un même lac
Ce drame humain, rançon du progrès comme on dit, n’épargna pourtant pas les rives nilotiques du Soudan. Longtemps hostiles à la construction du "Sadd el-Ali", du barrage voulu par le président Nasser, les gouvernements concernés donnèrent leur accord.
La junte militaire au pouvoir à Khartoum acquiesça en 1958. Et en 1964 les eaux engloutirent le secteur sacrifié.
Le gigantesque bassin ainsi créé submergea les rives fertiles du Nil soudanais où vivaient le peuple nubien préservé du désert. Un exode tragique s'ensuivi.
Aujourd’hui, d’Assouan à Abou Simbel on parle de lac Nasser. Plus au sud, le réservoir prend le nom de lac Nubia, il noie la partie soudanaise des terres fertiles qui produisaient les merveilleuses oasis du Batn el-Hagar au cœur du « Ventre de pierre ».
Heureusement le Soudan est immense, c’est le plus vaste État d’Afrique. Le Nil, de qui dépend toute vie sous ce climat torride, coule en ondulant comme un serpent qui se love dans le sable. Son cours, quoique de faible pente, en s’élevant vers le sud, limite l’extension des eaux du barrage, sauvant ainsi une partie essentielle des vestiges antiques de la Nubie soudanaise et ses centaines de pyramides. Toutefois, rien ne peut compenser la perte des terres et des lieux de vie immergés à jamais.
Ci-desus, à droite, felouques nubiennes à hauteur d'Assouan, vue prise en 1895.
La Nubie, seconde Egypte ?
Le terme Nubie désigne donc aujourd’hui comme autrefois un immense territoire, en partie désertique, que l’on fait débuter au confluent des Nil Blanc et Nil Bleu, à hauteur des faubourgs de Khartoum où se situe la 6e Cataracte, et s’achève au nord non loin d’Assouan, en suivant logiquement la course du fleuve.
Entre mer Rouge et mer de sable, don du Nil à l’égard de l’autre, cette « seconde Egypte » sort lentement de l’oubli grâce aux archéologues.
La Nubie est véritablement apparue dans notre panorama culturel en octobre 1996 lors de l’exceptionnelle exposition organisée à Munich d’abord, puis à Paris quelques mois plus tard, « Soudan, royaumes sur le Nil ». Cette exposition marquera, et ce n’est pas un hasard, pour l’Institut du Monde Arabe qui la présentait en France, le sommet des plus belles années de cet établissement financé par l’État français et vingt-deux pays arabes partenaires.
Grâce aux œuvres rassemblées pour la première fois, venues du Soudan et des grands musées du monde, cette manifestation accompagnée de publications soignées marque un tournant dans notre approche des grandes civilisations de l’Afrique orientale.
Ces « Royaumes sur le Nil » que l’exposition révélait au grand public, ainsi qu’à une partie des historiens européens, entraient par la grande porte dans le patrimoine artistique de l’humanité et leur étude devenait une branche majeure de l’égyptologie générale.
Le Royaume de Koush
Nous disons Nubie, et Nubiens (il y a l'or derrière ces noms !) ; les anciens Egyptiens possédaient plusieurs noms selon les époques pour désigner leurs voisins méridionaux.
Le pouvoir pharaonique, dépendaient étroitement des eaux du Nil, lesquelles déboulaient d’Afrique noire. Le flux annuel transportant le limon fertile, tout autant que les embarcations chargées de marchandises et des hommes qui convoyaient ses richesses, a de tout temps été surveillé par ces rebelles habitants du Sud, ceux du « pays de l’Arc » ou de Koush.
Ci-dessus, à gauche, les étrangers, ennemis traditionnels de l'Egypte. Deux des "cartouches-forteresses", gravures du temple de Kom Ombo, montrant deux peuples enchaînés symboliquement, les Nubiens sont à droite de la photo ; leur nom s'écrit avec l'image de l'"Oiseau-Nèh", qui est la Pintade de Nubie. (Photo Lamblard)
Les Nubiens, pour l'Egypte ancienne étaient << Les hommes du vil pays de Koush, les porteurs de tresses, les scarifiés, ceux qui s’habillent de peaux, les Nèhèsiou au visage brûlé >>.
Koush est un nom que l’on voit apparaître dans les textes hiéroglyphiques au début de la XIIe dynastie, vers 1950 avant notre ère.
Mais l’archéologie permet de situer la création du premier royaume de Koush bien avant cette date : il aurait succédé au royaume de Kerma, lequel s’est développé entre 2500 et 1500 au sud de la 3e Cataracte où l’on peut voir encore les ruines de sa capitale. Le royaume de Koush sera un État puissant, producteur d’or, éleveur de bétail, d’où provenaient l’ivoire et les peaux de panthère, les plumes d’autruches, les animaux exotiques, les mercenaires tireurs d’arc, les esclaves. Il sera le passage obligé des produits d’Afrique noire vers le puissant voisin.
Partenaire commercial et rival dangereux pour l’empire égyptien, Koush (la Nubie) sera attaqué par l’Egypte à plusieurs reprises avec plus ou moins de succès.
Aménophis Ier décide son assujettissement total vers 1520 avant notre ère, et Thoutmosis Ier conquiert le pays jusqu’à la 3e Cataracte vers 1490.
On peut lire sur les rochers de la rive à Tombos de grands panonceaux écrits en hiéroglyphes où s’affichent la titulature du pharaon victorieux et sa proclamation :
<< Les archers de Nubie (Nèhèsiou) tombés par le carnage gisent dans leurs plaines, leur sang est comme la pluie en averse, les charognards sont sur le champ de bataille, les vautours...>>
Les armées égyptiennes battent les princes nubiens, détruisent Kerma et fondent à Napata, au pied du Djebel Barkal, le sanctuaire de leur dieu Amon.
Ci-dessus, à droite, au bord de la 3e Cataracte, à Tombos, les gravures rupestes, en hiéroglyphes, proclament la victoire des armées égyptiennes sur les "Nèhèsiou" les Nubiens. (Photo Lamblard).
Le lecteur a remarqué qu’à plusieurs reprises nous avons mentionné le nom des « Nèhèsiou » pour désigner les Nubiens (Nèhèsi au singulier). C’est ce nom que l’on déchiffre en écriture hiéroglyphique, pour lequel le scribe égyptien a utilisé l’image de l’oiseau Nèh qui est la célèbre pintade nubienne…
Forcément nous y reviendrons, à cette oiselle, forcément elle reviendra aussi, guidant le souffle et l'écriture. (Un livre, "L'Oiseau-Nègre", offre plusieurs clichés des hiéroglyphes "Pintade" inédits, trouvés en nubie soudanaise.)
Lorsque les écrivains Grecs parviendront à se forger une idée concrète de l’Egypte et des peuples riverains, ils useront du terme d’Ethiopien pour qualifier l’homme du Sud (Hérodote VII-69) au visage brûlé, mais ne partageront pas le mépris des Égyptiens pour l’Africain de Nubie. Au contraire, ils célèbreront : «L’Ethiopien irréprochable», le «Nègre lointain» chez qui Zeus et l'assemblée des dieux de l'Olympe se rendent périodiquement pour régénérer leurs forces.
Les patriarches de la Bible, au retour de l’Exode, épousant les exécrations égyptiennes, condamneront le Nubien en le stigmatisant sous la parabole du fils de Cham.
Cham, le fils maudit de Noé, sera voué à l'esclavage jusqu'à la fin des temps, en compagnie de tous les descendants de Canaan, le petit-fils visé par la malédiction de Noé (Genèse II-13). Drame de l'alcoolisme ayant conduit le vieillard à abuser du vin de sa vigne...
Ci-dessus, à gauche, mosaïque de San Marco à Venise représentant les trois fils de Noé dans l'Arche, sous l'Arc-en-ciel, signe d'Alliance avec Dieu. Au centre, le plus jeune, CHAM, voué à procréer des esclaves, suite aux beuveries de son père ; au-dessus de sa tête une pintade africaine, l'"Oiseau Nègre". Cette mosaïque d'inspiration byzantine date de 1200 de notre ère, environ. Elle illustre le texte biblique en le suivant à la lettre. (Cliquer pour agrandir l'image)
(Photo Lamblard)
L’histoire du royaume de Koush se poursuit sous domination égyptienne durant quelques siècles obscurs. Puis, soudain, vers 780 avant notre ère, les princes de Napata ayant suffisamment restauré leur puissance, entreprennent leur propre conquête de l’Egypte. Vers 716, les rois de Koush deviennent souverains d’Egypte et fondent la XXVe dynastie qui règnera plus d'un siècle sur le Nil, de la Terre des Noirs jusqu’à la Méditerranée.
Entrée dans l’histoire sous le nom de « Pharaons Noirs », de Piye-Piankhi jusqu’à Tanout-Amon, dernier souverain kouschite (vers 664-656), cette prestigieuse dynastie africaine sera chassée du trône d’Egypte par l’invasion assyrienne sous la conduite d’Assourbanipal.
Toutefois, le royaume de Koush ne disparaît pas totalement puisque les princes nubiens vont édifier de nouvelles villes sur leurs terres, en imitation du modèle égyptien, et perpétuer la religion d’Amon dont ils s’efforceront de maintenir la pureté ancestrale ; Amon figuré sous l’image d’un bélier au Djebel Barkal. Cette longue histoire s’achèvera avec la civilisation méroïtique, du nom de sa capitale Méroé.
Elle sera définitivement détruite par l’arrivée des chrétiens en Nubie ; puis des musulmans vers 642 de notre ère.
Méroé, le dernier royaume
Ci-dessous, Méroé, ce nom évoque un champ de pyramides noyées sous le sable, écrasé de soleil, d’une surprenante beauté. (Photo. Lamblard).
Les souverains du royaume de Méroé apparaissent désormais au terme d’une longue succession de rois puissants qui régnèrent sur ces terres le long du Nil depuis le Néolithique.
Leur langue, le méroïtique, un des derniers idiomes de civilisation encore incompris au monde, serait la plus ancienne langue écrite d’Afrique noire. Son écriture se serait développée au Soudan, du VIIIe siècle avant notre ère, au IVe siècle de notre ère, portée par ces grands royaumes, Kerma, Napata, Méroé, qui se sont succédé le long du Nil entre la 2e et la 6e Cataracte.
Déjà parlée vraisemblablement au troisième millénaire, cette langue antique de la Nubie n’apparaît à notre regard qu’à partir du moment où des inscriptions fixent sa vocalisation pour la postérité. Les souverains qui franchirent l’obstacle de l’oralité à l’écriture utilisèrent le système de notation venu du puissant voisin, l’Egypte.
C’est donc en hiéroglyphes égyptiens que les premières inscriptions méroïtiques sont conservées. Une écriture syllabaire en cursives inspirées du démotique sera également utilisée.
En somme, pour le méroïtique, nous nous trouvons devant une démarche culturelle et politique assez proche de celle des Celtes méditerranéens qui, peu après la même époque employèrent aux alentours de Marseille l’écriture grecque pour graver leur langue « ligure » sur le roc, et personnaliser leurs céramiques indigènes.
Langue et écriture méroïtiques
La langue de Méroé est un idiome africain que les linguistes présentent comme une branche des langues nilo-sahariennes, le « soudanique oriental nord », il appartiendrait avec le nubien et les dialectes proches parlés au Tchad ou en Erythrée à une famille unique.
Ci-dessus, Timothy Kendall, chef des fouilles du Djebel Barkal, en conversation avec Claude Rilly, spécialiste français de l'écriture méroïtique, devant les vestiges du temple d'Amon à Napata en Nubie. (Photo Lamblard). Cliquez sur l'image.
Longtemps confinées dans quelques laboratoires, sous l'autorité d'un Secrétaire Perpétuel d'Académie, les études linguistiques du méroïtique avançaient petitement, jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle génération de chercheurs de terrain, dont Claude Rilly.
L’obstacle du déchiffrement, grâce au travail minutieux selon une méthode multi contextuelle, alliant études lexicales, comparaisons de langues apparentées et correspondances phonétiques, est en passe d’être franchi, mettant au jour des pans entiers encore méconnus de la fabuleuse histoire des royaumes du Nil.
Ci-dessous, montagne sacrée du Djebel Barkal en Nubie soudanaise. Le Barkal, situé au coeur du royaume de Napata, du IX au IV siècles avant notre ère, abrite toujours des couples de vautours percnoptères. Symboles des déesses-mères, ces vautours, ainsi que les vautours fauves, sont identiques à ceux que l'on peut voir gravés sur les monuments égyptiens.
Dominant le désert du haut de ses 90 mètres, avec la célèbre "aiguille" de pierre figurant le Cobra sacré. Le Djebel Barkal proclame toujours la gloire des pharaons inscrite dans des cartouches de pierre.
Aux flancs de la montagne on voit les ruines du temple d'Amon et derrière s'ouvre le temple de Mout, déesse vautour. (Photos Lamblard).


Dans un paysage sublime, où les charters touristiques ne trouvent pas encore le confort exigé, sous un ciel d'une pureté et d'un silence cosmiques, le Djebel Barkal s'offre, avec l'accueil bienveillant des Nubiens.
Jean-Marie Lamblard, Juillet 2013.
(*) Note : sans vouloir entrer dans la polémique, et en nous gardant de blesser l'amour-propre des Africains Noirs, nous pouvons poser la question de la couleur de l'épiderme des peuples égyptiens des anciennes dynasties (hors la XXVe dont nous venons de parler).
Si tous les pharaons légitimes n'étaient pas d'apparence sub-saharienne (peau noire, cheveux crépus, etc), ils n'en étaient pas moins 100% Africains. Comme sont Africains autochtones depuis toujours les Berbères, les Touaregs, Targui, etc., n'en déplaise au respectable Cheikh Anta Diop.
L'Egypte ancienne, cette fabuleuse civilisation, est une civilisation africaine depuis ses origines.
(Article publié une première fois en 2006, revu entièrement en 2013).
Contact e-mail : jm@lamblard.com